Ceux qu’on appelle « black bloc »

Face au sentiment d’impuissance, certains choisissent l’émeute. Après la mort de Rémi Fraisse, Irène va en manifestation à Albi. Kevin a participé à la création du cortège de tête en 2016 et a décidé de se défendre face à la police. Sophia, elle, a lutté en Italie contre le projet du TGV Lyon-Turin.

On les appelle souvent black blocs, mais les principaux concernés n’apprécient pas trop cette appellation, considérée comme une construction médiatique. On les appelle parfois émeutiers. Ils sont vêtus de noir, de cagoules et de masques, agissent en groupe et de manière anonyme, et mettent la violence au premier plan lors de manifestations qui se soldent souvent par des affrontements violents avec la police, affrontements relayés par les médias. 

Irène a 25 ans. Elle se souvient très bien de son expérience dans une ZAD du Tarn qui a été le théâtre de la mort du militant Rémi Fraisse. C’était en 2014, et l’affrontement avec les policiers a duré plusieurs heures.

C’était un peu la guerre des tranchées, on va dire. […] Les flics lançaient des grenades assourdissantes et ça faisait des cratères sur le sol.

Les tensions sont très palpables durant la journée, et la nuit ne les apaise pas. Alors que le conflit continue, Irène se rappelle avoir fait la fête, loin des grenades. Le lendemain, elle apprend la mort de Rémi Fraisse :

On apprend ça en milieu de journée, on ne sait pas si c’est une rumeur ou si c’est vrai.

Les assemblées générales se succèdent alors : pacifistes, « hippies », « bisous love » et militants plus belliqueux débattent. Une première manifestation est organisée à Gaillac, mais c’est un échec luisant. Quelques jours après, une seconde est organisée à Albi, attirant plus de personnes et de médias.

J’ai vraiment pas peur, je suis vraiment en colère. Je me prépare étonnamment peu. On y va juste avec de quoi se changer, pour avoir l’air d’une citadine ou d’un citadine normal(e).

Dans les rues albigeoises, les policiers ont déjà bloqué les accès. La confrontation est directe et Irène ressent une forme d’émulation :

On les insulte, on leur dit que c’est des assassins, et eux ne peuvent pas riposter, pas frapper des manifestants, après ce qui vient de se passer. 

Le cordon policier finit par craquer, la place est prise d’assaut. Le débat enfle chez les manifestants : casser ou ne pas casser ?

Il y a trop de rage, trop de haine parmi les gens qui participent à cette manifestation.

Des pavés sont saisis, et le « déluge » commence. Banques, agences immobilières, assurances, tous « les gros trucs de merde » sont attaqués, dit Irène. À la fin de cette journée mouvementée, la jeune femme est fatiguée. Tout semble avoir été fait :

Mais quel est le sens de faire une émeute de 4 jours à Albi ? On a vite fait le tour de la ville…

Malgré la forte mobilisation, Irène voit la ferveur retomber rapidement : en l’espace d’un mois, les manifestations ont cessé…