Les Ripoux

Un “ripou”, “pourri” en verlan, c’est un policier qui s’associe au grand banditisme. Alain Chémédikian, braqueur repenti, raconte les origines, le fonctionnement et le délitement du « gang des PMU », plus connu sous le nom de « Ripoux de Lyon », qui a fait trois victimes dans les années 1980.

Alain Chémédikian était l’un des piliers du Gang des Ripoux qui a braqué des PMU, des banques et des convoyeurs de fonds de la région lyonnaise à la fin des années 1980. Un groupe de malfaiteurs qui a la particularité d’être composé principalement de policiers : Don-Jean Giovanetti, enquêteur de police de la mairie du troisième arrondissement de Lyon, Michel Lemercier, sous-brigadier au même endroit, ou encore Richard Durastante, inspecteur au commissariat de la Part-Dieu. Alain Chémédikian, lui, n’est pas policier, mais plâtrier de profession. C’est en prison, en 1975, qu’il fait les rencontres qui le conduisent à ses premiers braquages.

Quand il parle de ses comparses, Giovanetti, Lemercier et Durastante, Alain Chémédikian précise qu’ils n’”avaient pas l’âme de policiers”. C’est lui qui leur apprend à mener des braquages, d’abord dans des PMU, comme le 23 juin 1985, où le gang fait sa première attaque à main armée sur le bar « Au Bon Coin », dans le huitième arrondissement de Lyon. Ils collectent un butin de cent trente mille francs.

Alain Chémédikian raconte la préparation de ces gros coups, réglés au millimètre près. Entre les repérages, la surveillance, et le traçage des routes pour pouvoir prendre rapidement la fuite, “c’est comme un travail”, confie ce braqueur expérimenté. Alain Chémédikian explique également comment lui et ses complices utilisent leurs brassards, leurs cartes et leurs voitures de police comme couverture, une couverture qui se révèle bien efficace.

Un article du Progrès datant de 1996, pendant le procès du gang des Ripoux.
Un article du Progrès datant de 1996, pendant le procès du gang des Ripoux. © Maxppp – Joël PHILIPPON

“On prenait l’argent où il était : chez les riches !”

Alain Chémédikian se dit communiste, comme Giovanetti, mais reconnaît que le gang est loin de faire de la politique. Quand les Ripoux braquaient des supermarchés, ils faisaient certes sortir les clients avec leurs chariots, leur offrant ainsi un plein de courses, mais leur engagement social n’allait pas plus loin. Le braqueur repenti reconnaît avoir été un Robin des Bois bien plus violent que l’original, et ne s’en vante pas outre mesure. 

Le gang s’est en effet rendu coupable de graves violences – des coups de crosse, des prises d’otages, et, par trois fois, des meurtres. “Tout se passait bien s’ils coopéraient.”, explique Alain Chémédikian, reconnaissant toutefois la limite de son positionnement :“C’est toujours violent de braquer des gens. C’est même pas normal, d’ailleurs.” L’épisode le plus sombre de l’histoire du gang est probablement le braquage de trois convoyeurs de fonds à Firminy, le 28 janvier 1989. Les conducteurs du véhicule blindé, Freddy Bonneau et Alain Monnier, perdent la vie lors de ce braquage. C’est d’ailleurs à partir de ce moment qu’Alain Chémédiakian commence à s’éloigner des Ripoux.

En effet, Michel Lemercier, atteint d’une maladie mentale, devenait selon lui « incontrôlable ». “J’ai mis Lemercier en garde plusieurs fois : il fallait arrêter ces hold-up.”, affirme Alain Chémédikian, qui décide de prendre sa retraite du grand banditisme. Il ouvre alors un bar, qui lui permet à la fois de blanchir de l’argent et de se ranger, en se créant une situation stable. C’était sans compter sur Michel Lemercier, qui appelle un jour Alain Chémédikian et évoque avec lui les noms de leurs complices, alors que sa ligne téléphonique est sur écoute. Le gang est finalement démantelé par Michel Neyret, policier qui sera lui-même condamné pour corruption et association de malfaiteurs en 2018…

Reportage : Antoine Guirimand

Réalisation : Emily Vallat

Merci à Maître Luciani, au QG à Décines et à Thibault Leclerc.